Durée : 13 min.
Le travail avec l’orchestre de flûtes pose au compositeur, plus que ne le ferait l’orchestre à cordes et son statut canonique, la question du commun et du singulier en musique. Comment faire émerger d’une même famille d’instruments des sons différenciés, comment superposer des propriétés acoustiques singulières, celles du piccolo au son perçant ou celles de la flûte octobasse évoquant quelque ophicléide fantomatique ?
Traditionnellement, le sens commun instrumental est l’objet de l’orchestration, discipline qui conçoit les différentes sortes de flûtes, leurs tessitures, leurs timbres et leurs possibilités ; elle édicte la loi immatérielle d’instruments idéaux, toujours semblables et prévisibles, les techniques heuristiques pour conformer le son à un imaginaire musical. Mais dès que le phénomène sonore est convoqué, il fait entendre le singulier, la technologie de l’instrument et la physiologie de l’interprète. Il faut compter, en l’occurrence, avec deux-cent quarante doigts, quarante-huit poumons et lèvres, la moitié de larynx, langues, diaphragmes et autres organes – sans parler des cerveaux ! L’orchestration cède la place à l’anatomie ; organum en latin désigne d’abord l’instrument de musique.
La stratégie du rebelle est écrite pour mettre en relief ces interférences sonores ; plutôt que de les ignorer ou de les masquer : les écrire, quitte à n’en pas maîtriser toutes les réalisations ; superposer les vitesses, mixer et moduler les timbres, composer enfin avec les différences qui subsistent entre deux instruments du même genre, entre deux interprètes aux talents égaux. En avant de l’orchestre, le soliste donne à la composition sa forme et insuffle aux textures fragiles qui l’entourent la violence nécessaire à leur éclosion. Il est le rebelle, celui qui, littéralement, reprend la guerre.
stratégie du rebelle est dédiée à Pierre-Yves Artaud.
Création
Le 25 mars 2010 par Julien Bourin (flûte basse solo) et l’Orchestre de Flûtes Français sous la direction de Paul Méfano à la Salle Cortot.